Sur les pas de Calvin à Bourges

Un parcours dans le centre-ville historique et une exposition.

Jean Calvin © Domaine public

La petite promenade protestante dans Bourges

… en suivant les traces laissées par l’histoire…

 

Rappel historique

Dès le début du XVIe siècle, Bourges, cité universitaire, était un centre d’effervescence et de rayonnement des idées réformatrices. Dans la lignée de l’Humanisme, ces idées nouvelles, racines de la Réforme protestante, se diffusaient d’autant plus librement qu’elles étaient en grande partie adoptées par Marguerite d’Angoulême, future reine de Navarre et duchesse de Berry depuis 1517. À cette même date, en Allemagne, un moine allemand, Luther, rédige un texte qui dénonce certaines pratiques de l’Église. Se fondant sur la lecture de la Bible, il soutient que Dieu accorde le salut gratuitement (par grâce) à ceux qui croient et se confient en lui (dans une démarche de foi).

 

En 1533, Calvin, après son passage à Bourges (de 1529 à 1531), se rallie aux idées de Luther. Mais sa formation de juriste va le conduire à structurer une forme d’Église particulière : des Églises réformées nationales dans lesquelles l’autorité sera confiée, non à des personnes, mais à des groupes (conseils locaux et synodes généraux). Dans toute l’Europe, se développent alors des formes nouvelles de christianisme fondées sur la lecture de la Bible et dégagées de l’autorité du pape. Ces nouvelles idées ne touchaient pas que les « lettrés » mais toutes les couches de la population.

 

Suit une dure période de persécutions, condamnations et exils, mais aussi de résistance. En 1556, calquée sur l’organisation de l’Église de Genève, l’Église réformée de Bourges est dressée (mise en place d’une communauté dotée d’un Conseil presbytéral élu et d’un pasteur). Le 24 août 1572, le massacre de la Saint-Barthélemy est resté comme une des pages les plus sombres de l’Histoire de France. Dès septembre de cette même année, le culte réformé est interdit à Bourges par le roi.

 

En 1598, Henri IV signe l’édit de Nantes, la liberté de conscience est accordée aux protestants, cependant, l’exercice de leur culte reste interdit à Bourges comme dans les autres villes épiscopales. En 1685, l’édit de Nantes est révoqué (supprimé) par Louis XIV : le protestantisme est proscrit dans tout le royaume. Il faudra attendre l’Édit de tolérance en 1787, pour que la situation des protestants commence à se normaliser. La liberté de conscience, de religion et de culte leur est à nouveau accordée.

 

Aujourd’hui l’Église réformée existe toujours à Bourges. Les cultes sont organisés tous les dimanches au temple, construit en 1831, 3 rue Vieille-St Ambroix (cf. § 10).

1. La grosse Tour En 1536, accusé de luthéranisme, le moine bénédictin Jean Michel fut condamné à faire amende honorable et le livre qu’il avait écrit fut brûlé. Il s’enfuit en Suisse puis en Avignon où il étudia l’hébreu, mais il fut repris en 1539. Dégradé devant le portail de la cathédrale Saint-Étienne, il aurait été étranglé puis brûlé en décembre devant la grosse Tour, actuellement détruite. En mars 1544, c’est également pour ce motif que l’escolier Antoine de la Vau fut brûlé à ce même endroit. Vous en repèrerez l’emplacement circulaire, marqué dans le dallage du sol, à la pointe extrême de l’Hôtel de ville, tandis que, visibles dans le parking en sous-sol (niveau -2), subsistent les fondations de la Tour et d’une partie des remparts.

 

2. La cathédrale En 1523, Marguerite de Navarre, encouragea son aumônier personnel, Michel d’Arande, moine augustin, à prêcher l’Avent et le Carême à la cathédrale. Ses idées, trop en avance sur l’évolution générale de l’Église catholique, éveillèrent la méfiance de l’archevêque, François de Breuil, qui suspendit les prêches de Carême et menaça Michel d’Arande d’excommunication. Néanmoins, se sentant soutenu par la duchesse et aussi par certains chanoines de la cathédrale, encouragé aussi par les étudiants de l’université (notamment par ceux d’origine germanique déjà très motivés par la démarche luthérienne), Michel d’Arande aurait continué à prononcer des homélies en faveur d’un retour à une piété authentique, mais aussi à « vitupérer le culte des Saints ».

 

En passant devant le quintuple portail de la cathédrale, vous pourrez vous souvenir des destructions perpétrées en 1562 par les troupes de Montgomery et de Jean sieur d’Ivoy, tous deux protestants. Cet « iconoclasme protestant » était une réaction contre la présence d’images taillées dans les Églises ; mais Calvin s’opposa énergiquement à ces dégradations.

 

3. L’universitéEn contournant par la gauche le chevet de la cathédrale, on arrive en bas de la rue des 3 Maillets, dans le secteur où se trouvait la faculté de droit au temps de Calvin. De nombreux professeurs, humanistes de grand renom comme André Alciat, Melchior Wolmar, François Hotman, furent des Réformés convaincus, d’autres en secret tel Jacques Cujas (cf. § 11).

L’université de Bourges a été un foyer de débats et de diffusion des idées nouvelles de la Réforme, avec un rayonnement européen.

La chaire de théologie était installée, à cette époque, à l’enclos des Jacobins où se trouvait alors également un couvent touché par la Réforme (A).

 

4. Vers la place Gordaine Tandis que vous vous dirigez vers cette place en descendant la rue Bourbonnoux, nous pouvons vous signaler qu’à l’entrée de l’actuelle impasse du Fourchaud (B), se trouvait une église, appelée justement Notre Dame du Fourchaud, d’où fut chassé par la foule le procureur du roi venu enquêter sur les sermons de Jean Michel (cf. § 1) dans les années 1530.

 

Plus bas, vous passez devant l’Hôtel Lallemant (C), belle demeure datant de cette époque et aujourd’hui musée des arts décoratifs !

Rue Édouard Branly (D), à quelques pas de là, se trouve l’Hôtel des Échevins où, de 1526 à 1562, un membre de chacune des vingt et une familles de notables protestants se succède à l’échevinage. Familles dont le métier de commerçant, de marchand les conduit à des déplacements, et favorise les échanges et la découverte des Idées nouvelles

 

Place Gordaine se trouve une pierre sur laquelle montaient les crieurs publics. Elle est appelée Pierre de la Criée, mais porte également le nom de Pierre de Calvin même si on peut douter que Calvin eut l’occasion d’y grimper pour prêcher. Par contre, on sait que dans les années 1540, un mystérieux ermite monta sur cette pierre pour faire des sermons incendiaires contre l’Église en place !

 

5. Les AugustinsEn empruntant la rue Mirebeau, on arrive au couvent des Augustins (n° 73) où il est à peu près certain que Calvin a donné des sermons ou plutôt des cours de rhétorique. On peut admirer la chaire fort originale qui porte son nom dans la salle Calvin, (non visible actuellement). Le couvent des Augustins fournit, au dire de Théodore de Bèze qui connaissait bien Bourges pour y avoir été étudiant, « d’excellents ministres des Églises réformées ».

 

6. Rue CalvinDepuis l’entrée de cette rue, vous pourrez apercevoir sur la droite, saillant sur la rue, l’arrière de la chaire, ajourée de petites fenêtres.

 

7. Maison de CalvinPlus loin, au coin de la rue Mirebeau et de la rue de la Poëlerie, se trouve une maison dans laquelle logeait Calvin (actuellement un magasin de vêtements). Derrière cette maison se situait le cimetière des protestants (en effet, ce n’est qu’au début du XXe siècle que ceux-ci purent utiliser les cimetières devenus communaux).

 

8. Jardin des Prés Fichaux En empruntant la rue de la Poëlerie, dirigez-vous maintenant vers le jardin des Prés Fichaux. Ce jardin, de style Art déco, était autrefois un marécage et un point de rendez-vous des Réformés. En 1559, le culte protestant devint public et Jean Glaumeau, prêtre né en 1517, signale dans son journal « que depuis le commencement du mois d’apvril et tout le temps d’été ensuivant, on chantoit à grandes troupes tous les soirs, tant festes que jours ouvriers, les Psalmes de David au lieu qu’on appelle le pretz Fichaud, et se assembloient audit lieu tous les soirs du monde innumérable, tant hommes et femmes, chantant en grande mélodie lesdits Psalmes ». En effet, dans un premier temps, le culte était célébré, selon les possibilités, soit chez les particuliers pour les petites assemblées (cf. § 12) soit, pour les célébrations réunissant beaucoup de monde, dans des édifices de grande taille (cf. § 13). On alla même jusqu’à célébrer la sainte-cène* « en plein minuit dans les grandes écoles publiques » parce qu’aucune maison n’était assez vaste. Sous la conduite de Paul Spifame, ancien évêque de Nevers passé au protestantisme, le culte fut même célébré à la cathédrale, que les protestants avaient temporairement investie et appelée « temple Sainttienne » !

*Sainte-cène : terme employé par les protestants pour parler du sacrement de la communion.

 

9. Abbaye Saint-AmbroixCette abbaye, actuellement hôtel-restaurant, était au XVIe siècle, un des monastères les plus marqués par les idées réformatrices. Plusieurs de ses moines passèrent à l’hérésie, y compris le prieur, Jean de Bournonville.

 

10. TempleEn traversant le petit square, vous arrivez près du temple (au n°3 de la rue Vieille-St-Ambroix). Il fut construit en 1831, en retrait des façades de la rue, malgré la législation de l’époque où l’exercice public du culte n’était que toléré

 

La sobriété de l’architecture de cet édifice et sa petite taille (il contient une centaine de places) caractérisent bien à la fois la réticence protestante à l’égard de toute ostentation et l’importance très relative de la communauté (qui était, au XIXe siècle, considérée comme une « annexe » d’Asnières-les-Bourges où résidaient, en grande majorité, les familles issues du protestantisme historique).

Sur le fronton triangulaire de la façade du temple figure une Bible ouverte, illustrant la place prépondérante de la lecture de la Bible dans la piété protestante.

 

11. Hôtel Cujas – actuel Musée du BerryC’est dans cet hôtel particulier que vécut Jacques Cujas, grand juriste appelé à Bourges par Marguerite d’Angoulême* pour devenir professeur de droit à l’université de Bourges créée par Louis XI. Il fut un des grands hommes qui ont marqué la ville. Il fut très apprécié par les étudiants. Jacques Cujas était partisan de la Réforme mais ne fut autorisé à exercer le professorat qu’à la condition de taire son appartenance au protestantisme.

      * Devenue Marguerite de Navarre en 1527, en épousant Henri II d’Albert.

 

12. Hôtel ColladonRue des Beaux-Arts, au n° 10, se trouve l’hôtel de la famille Colladon. Une plaque rappelle le rôle de Germain Colladon dans l’organisation de la République de Genève ; quant à son frère, Nicolas, il devint recteur de l’Académie de Genève. C’est dans cet hôtel particulier que, pendant toute une partie du XVIe siècle, la communauté réformée se rassemblait pour célébrer le culte. On peut également signaler qu’à l’emplacement de l’actuel parking de la place Cujas, se trouvait le couvent des Carmes qui fut, lui aussi, marqué par la Réforme au XVIe siècle.

 

13. Le Palais du Duc Jean Si vous suivez le parcours tel qu’il est fléché sur le plan, vous arriverez pratiquement devant le célèbre Palais Jacques-Cœur. La rue des Armuriers vous conduira ensuite place Marcel Plaisant à l’extrémité de laquelle se situe actuellement le Conseil général (sur votre droite). Anciennement Palais du Duc Jean, ce bâtiment fut construit à la fin du XIVe siècle ; victime de la Révolution, il n’en reste malheureusement qu’une petite partie. C’est dans la grande salle du Palais, aujourd’hui détruite, que les protestants se réunirent également, en 1562, pour célébrer leur culte sous la conduite de Paul Spifame (cf. § 8)

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