Le temps de la bonté - livre de TOBIT
Introduction (page 10 et ss)
Le récit que relate le livre de Tobit est censé se situer au VIIIe – VIIe siècle avant l’ère chrétienne, en Assyrie et en Médie (région de Perse), donc bien avant la destruction de Ninive (-612). Dans cette capitale du royaume assyrien, de nombreux Juifs, tels Tobit et sa famille, se trouvaient déportés, en exil.
Le texte lui-même appartient à l’époque hellénistique du 3ème siècle et semble avoir eu sa rédaction définitive vers l’an 200 avant J.C. Écrit originellement en araméen ou en hébreu. On possède seulement la traduction grecque sous deux versions : un texte long, qui parait le plus ancien ; et un texte court (IVe siècle après J.C.). Le récit a été à son tour traduit en latin par S. Jérôme à la fin du IVe siècle et il prend place dans la Vulgate, avec des additions apportées volontairement par son traducteur !
Écarté du Canon hébraïque ainsi que de la Bible protestante, le livre de Tobit, qualifié de deutéro-canonique (comme Judith et Siracide), a été accueilli par l’Église chrétienne d’Occident à partir de l’an 382 et par l’Église d’Orient à partir de 682. Depuis le Concile de Trente (1546), l’Église catholique l’admet officiellement parmi les Écritures.
Résumé de l’histoire de Tobit
Cet homme, Tobit, déporté à Ninive avec d’autres juifs, se montre très pieux : il prie et respecte les prescriptions religieuses, il pratique largement l’aumône, compatit au malheur de ses frères et ensevelit les morts. Un jour, il se retrouve frappé de cécité. Il supporte cette épreuve sans maudire le ciel, mais désormais doit s’en remettre à son épouse Anna pour assurer leur subsistance et il compte sur l’appui de son fils unique, Tobie.
Quelques années plus tard, l’aveugle se souvient d’une importante somme d’argent qu’il a laissée autrefois en dépôt à Gabaël, un homme de confiance qui habite en Médie et il charge son fils de le récupérer. Le jeune Tobie accepte bien volontiers, mais il ne connait pas le chemin. C’est alors qu’un guide mystérieux se présente : il déclare se nommer Azarias, mais n’est autre que l’ange Raphaël, délégué par Dieu pour secourir les affligés. Durant ce voyage, non seulement le jeune homme trouve le remède apte à guérir son père, mais encore il rencontre Sarra qu’il épouse. Et bien sûr, il remplit sa mission en rapportant la précieuse bénédiction : tout est bien, et la lumière de Dieu transfigure le monde.
Quelques points pour échanger…
C’est un récit initiatique, une histoire spirituelle réelle, un grand voyage intérieur qui concerne tous ceux qui ne veulent pas sombrer dans les ténèbres. Ce parcours va de Tobit, le père devenu aveugle, à son fils Tobie qui marche avec l’Ange vers l’Orient. Il relate le cheminement vers la Lumière d’un homme qui n’a pas oublié son origine ni la source de Vie.
Le parcours de Tobit est exemplaire. Comment nous concerne-t-il ? Confronté à notre condition mortelle, soif d’absolu, se sentir étranger, devenir voyageurs, partir en quête d’une terre invisible aux sens ordinaires, une terre que ne mentionne aucune carte géographique, mais vers laquelle l’intuition du cœur peut orienter. Dès lors l’exilé devient un pèlerin, en même temps qu’un témoin du monde d’en Haut. Homme de passage, il a pour mission de se faire le passeur d’une Sagesse qui ne passe point, d’une Beauté, d’une Bonté qui dépasse toutes les imaginations et les espérances. (p. 29-30)
Tobit représente l’homme juste. De manière totalement désintéressée, il témoigne du Bien, il œuvre pour le Bien, quoi qu’il arrive : « Moi, Tobit, j’ai marché dans la voie de la vérité et de la justice tous les jours de ma vie ». Le Juste est béni de Dieu, mais il n’est pas épargné. Il souffre même davantage que les autres, parce que sa conscience est vive et éveillée, son cœur tendre et compatissant et très aigu son sens de la responsabilité. A l’image du Serviteur souffrant dont parle Isaïe, il prend sur lui les manquements, les trahisons. (p.35-36)
La cécité de Tobit est réelle, mais aussi symbolique : que signifie voir ? Vision ordinaire et/ou vision intérieure ? L’ami de Dieu qu’est Tobit, à un moment, perd espoir, perd la vue. Il ne comprend plus les visées de la Providence. Et quand les yeux du juste s’obscurcissent, c’est en même temps le regard que Dieu porte sur le monde qui se voile et s’efface.
Sarra, une jeune fille malheureuse : Dans sa prière, Tobit s’adresse à un Dieu de justice, tandis que Sarra chante un Dieu de miséricorde. Elle en appelle à la douce pitié de Dieu. Comment orientons-nous notre prière, quand nous sommes dans l’épreuve ?
Un ange incognito. L’ange Raphaël, circulant incognito sous le nom d’Azarias, depuis Ninive jusqu’à Ecbatane, n’accompagne pas seulement le jeune Tobie. Il peut nous servir de guide pour la compréhension intérieure de notre histoire… D’hier à aujourd’hui, la même histoire se rejoue pour faire se rencontrer les anges et les hommes ! Comment cette histoire est-elle capable d’apaiser les tourments de notre humanité en la conduisant sur une route sûre ?
Un poisson prodigieux : Attrape le poisson et ne le lâche pas ! A l’inverse de Jonas, Tobie ne fuit pas sa mission (p.117). Il ne doit pas se laisser impressionner ni engloutir par des forces inconnues. Il doit se dominer et se rendre maître du poisson. Cette étape constitue une sorte de test, pour mesurer les qualités de courage et de volonté de l’enfant qui doit devenir grand. Désormais Tobie et son compagnon sont intimement liés : à la qualification de frère Tobie fait écho celle de frère Azarias. Quelles évolutions vivons-nous dans nos relations mutuelles ? Comment ces relations nous font- elles grandir ?
Un jeune homme amoureux. L’intention qui se fait jour à travers tout le récit est de réunir les familles dispersées et de relier les hommes à Dieu… L’accueil de Sarra, s’avançant la première vers les deux voyageurs évoque Rachel rencontrant Jacob pour la première fois (Gn 29). L’amour entre Tobie et Sarra n’est pas seulement une histoire de famille, mais une histoire spirituelle : conduit par l’Ange, Tobie apporte avec son amour un souffle nouveau capable de renverser les plans de Ragouël, le père de Sarra, de terrasser le démon Asmodée et de délivrer la jeune fille. Sarra. Son nom signifie Princesse et figure l’âme noble que convoite le diable et que seul un être digne et valeureux peut libérer puis épouser.
Tobie, muni des précieux remèdes prélevés sur le poisson et fort des instructions de Raphaël, réussira-t-il l’épreuve ? La parole de l’ange n’est pas une garantie. Elle requiert notre foi, notre entière adhésion. Ai-je, moi aussi, suffisamment de confiance, d’intelligence et d’amour pour repousser les puissances maléfiques et pour que gagne la Lumière ?
Une nuit bénie : Aie confiance, ma fille ! Cette exhortation court tout au long du récit. Elle est la clé qui fait entrevoir l’inespéré. Elle s’adresse à chacun de nous, lors d’une épreuve, dans une période de découragement. Parole exigeante qui réveille et redresse ! Il ne s’agit pas d’une confiance en soi, mais d’une foi totale en Dieu et en sa Providence : foi active, qui nous fait coopérer avec les desseins de Dieu, si cachés et inattendus soient-ils. Tobie officie en déposant sur les braises d’encens le cœur et le foie du poisson. Ce rituel de sanctification de la chambre nuptiale l’emporte sur l’exorcisme. Les deux fiancés se mettent alors à prier, avant de s’unir l’un à l’autre.
Le pacte financier, – dix talents d’argent – conclu autrefois entre Tobit et Gabaël passe après le pacte d’amour nuptial qui unit Tobie et Sarra. Cela laisse entendre que l’Alliance passée entre Dieu et son peuple ne se restreint pas à un contrat avec des clauses strictes, mais s’avère d’abord alliance d’amour…. Savons-nous redécouvrir nous-mêmes un Dieu d’amour au lieu d’un Dieu sévère et rigoureux qui tient des comptes exacts ?
Le retour du fils : Ce retour signifie la régénération, puisque, grâce aux conseils de l’Ange, Tobie va redonner vue et vigueur à son père. C’est une transmission qui est rédemption. Le fils permet à son père aveugle de renouer avec son héritage et d’accéder à la vie véritable. C’est une vue nouvelle qui s’offre à Tobit. Le fils donne à son père une nouvelle naissance ! C’est une réciprocité de salut !
Une vision grandiose : Raphaël, prenant le rôle d’instructeur divin, rappelle les principes majeurs de la vie morale et spirituelle : faire le bien, pratiquer la prière, le jeûne et l’aumône. A quatre reprises, il répète le terme d’aumône : L’aumône sauve de la mort et elle purifie de tout péché…. Aux premiers siècles du Christianisme, Raphaël inspirera la figure de l’Ange gardien…Y songeons-nous encore ?
Que retenir ? Du livre de Tobit, chaque lecteur sort heureux, apaisé et réconforté. Il est un récit de jouvence… Le récit tout entier est traversé, irrigué par la bonté, une éminente vertu souvent méconnue ou dépréciée… Que tirons-nous, nous-mêmes, de ce récit ?